Début mai, à Los Angeles, nous avons retrouvé Leonardo DiCaprio, Ellen Page, Christopher Nolan et le reste du casting d'Inception pour une discussion fleuve et exclusive sur le film le plus attendu de l'année!
Par Fabrice Leclerc, publié le 20/07/2010 à 07:00
Quelle était l'origine du projet d'Inception ?
Christopher Nolan: J'avais depuis très longtemps l'envie de faire un film sur la thématique des rêves. Cela fait quasiment dix ans que je travaille sur le scénario d'
Inception.Je l'ai longtemps envisagé comme un film intimiste mais, au fur et à mesure de l'écriture, tout cela prenait toujours plus d'ampleur. Car, quand vous vous plongez dans les rêves, tout devient possible! En rêvant, vous créez. Mais est-ce une pure création ou plutôt une réalité augmentée? Cette idée me fascine. Et si on pouvait pénétrer dans les rêves, intervenir dans ce monde parallèle ou même carrément l'interrompre?
Leonardo DiCaprio: C'est un film difficile à raconter. Il faut le vivre... J'ai vu le film terminé hier soir [le 3 mai, NDLR] et je me rends compte à quel point en parler ne servirait qu'à brouiller les pistes. C'est une expérience collective... Je me suis moi-même perdu à certains moments mais le scénario est si fin que l'intrigue retombe toujours sur ses pieds...
C.N.: L'équipe de "voleurs" formée par Leonardo sait comment pénétrer dans les rêves, ou plutôt les partager, voilà le mot le plus adéquat! Et, surtout, y voler des informations sensibles. Sauf que, pour cette dernière mission, ils vont devoir expérimenter l'inverse... Mais
Inception est aussi l'odyssée personnelle et émotionnelle d'un homme qui souhaite raccrocher, quitter le virtuel pour retrouver le réel...
Il y a du Matrix là-dedans...
C.N.: C'est vrai. Même
Memento (2000) s'en rapprochait. Ce que je voulais avec
Inception, c'est inverser la tendance, prendre le sujet àrebrousse-poil. Contrairement à ces films,
Inception est un récit très structuré, qui ne laisse aucune zone d'ombre même s'il part dans des territoires assez originaux.
Inception est un film de science-fiction mais qui repose entièrement sur l'humain, sur les sentiments. Notamment à travers le personnage d'Ellen Page, ce sont les rêves qui sont amenés vers la réalité.
Ellen Page : Elle est l'un des derniers repères réels du groupe. Elle vient de rejoindre cette équipe. Elle est un peu la clé d'entrée dans ce monde...
L.D. : Dieu sait si j'ai fait des films imposants, comme
Titanic, mais je n'avais encore jamais expérimenté quelque chose de semblable à
Inception. Nous devions évoluer dans septunivers différents, tout en devant considérer chacun comme le monde réel ! Je ne voudrais pas pour autant qu'on réduise
Inception à un simple film sur les rêves. Depuis la première lecture du scénario, j'ai vu
Inception avant tout comme le voyage personnel de Cobb, mon personnage, à travers ses doutes et ses envies de retrouver la réalité une bonne fois pour toutes. C'est un film sur une catharsis.
DR
Joseph Gordon-Levitt et Leonardo DiCpario
Christopher, parlez-nous du casting...
C.N. : Je n'écris jamais en pensant à un acteur, pour me laisser la liberté de créer des personnages originaux. Le script terminé, Leonardo est arrivé sur le projet. C'est la première fois que je fais un film choral car
Inception repose vraiment sur un groupe d'acteurs et des personnages très différents. J'ai eu beaucoup de chance car, de Joseph Gordon-Levitt à Marion Cotillard, voilà une palette vraiment riche...
L.D.: Marion a en effet ce côté glamour typiquement hollywoodien. Mais c'est surtout une actrice jusqu'au-boutiste, qui s'empare de son personnage dans ses moindres détails. Je la connais depuis longtemps, même avant
La Môme,puisque Guillaume Canet est l'un de mes meilleurs amis. Et je l'ai toujours connue comme cela: elle donne tout ce qu'elle a. C'est rare.
Pour les autres, comment travaille-t-on avec Leonardo?
Joseph Gordon-Levitt: Leo comme moi avons commencé notre carrière très jeunes. Mais lui est rapidement devenu une icône du cinéma. Après
Romeo & Juliette et
Titanic, il aurait pu garder cette image de jeune premier romantique. C'est la transformation de Leo après ces films qui m'a toujours impressionné, quand il s'est mesuré, film après film, à des personnages toujours plus noirs et difficiles.
C.N.: J'ai bien aimé notre collaboration. C'est un grand acteur, très charismatique. Je connaissais moins sa rigueur quand il s'agit de travailler un personnage, d'étudier un scénario. Le film était particulièrement compliqué à mettre en place et c'est sûrement celui qui avait la vision la plus complète de l'histoire et de ce qu'elle impliquait.
Inception est un projet lourd, avec un long tournage autour du monde...
C.N.: Nous avons tourné dans pas moins de six pays, ce qui est très contraignant pour une équipe imposante comme celle d'
Inception.Nous avons commencé au Japon puis nous sommes allés en Grande-Bretagne, à Paris, au Maroc, à Los Angeles avant de terminer le tournage à Calgary, en pleine montagne. Pour moi, les décors naturels sont essentiels pour donner une âme à un film. Nous avons tourné durant une centaine de jours sur une période de six mois.
Leo, toi qui avais le plus grand nombre de jours de tournage, tu confirmes?
L.D.: Je ne sais plus, tu connais mon amour des plannings!
(rires)
DL
Leonardi DiCaprio
E.P.: On pourrait penser que le tournage d'un film comme
Inception laisse peu de place à l'humain, tant c'est une énorme machine. Pourtant, Christopher a su créer un cocon, une intimité très étonnante sur le tournage. Cela nous a aidés à nous immerger dans l'ambiance du film. Et aussi à préserver son secret.
L.D.: Je me souviens de cette scène d'explosion dans une rue à Paris... La logistique était énorme et quand je suis arrivé, je savais que cela allait prendre la journée. Mais, vers midi, j'ai vu Chris arriver et me dire: "Ok, c'est dans la boîte, allons déjeuner" !
C.N.: Le but a été d'avoir le moins d'effets spéciaux numériques possibles. Par exemple, toutes les scènes de gravité zéro ont été tournées de manière classique. J'ai toujours pensé que les effets spéciaux mécaniques sont les meilleurs. J'ai pour cela une équipe de techniciens très expérimentés, qui sont capables de faire voler Leonardo dans une pièce sans recours au numérique. Dans
Inception, il y a seulement quatre cents plans traités numériquement, contre deux mille dans n'importe quel autre film de ce genre produit aujourd'hui à Hollywood.
Cillian Murphy : On se serait presque cru sur le tournage du premier
Star Wars! Peu de fonds verts, tout ou quasiment existait vraiment sur le plateau. C'est un luxe pour un acteur aujourd'hui...
Cillian, justement, vous qui avez déjà travaillé avec Christopher sur Batman Beginset The Dark Knight, a-t-il changé ?
C.M.: Non, vraiment pas! Comme cela a déjà été dit, le grand talent de Christopher est que, film après film, projet énorme après projet énorme, chaque tournage est plus familial. C'est également quelqu'un qui travaille, privilégie les tréfonds de l'âme humaine. On dit souvent que Chris est un homme un peu froid qui fait des films assez froids! Je ne suis pas sûr que ce soit un compliment. Mais surtout, ce n'est pas vrai!
Ken Watanabe: Je viens de voir le film et franchement, le cinéma de Christopher s'approche vraiment de celui d'un Kubrick...
L.D. : Je n'avais encore jamais travaillé avec Chris. Et de toute façon, je ne me pose pas ce genre de questions. Quand j'accepte un projet, je me plonge dedans et je l'assume, quoi qu'il arrive. J'ai eu confiance en lui et je pense, en tout cas, que c'est le projet le plus ambitieux de Chris à ce jour.
Pour finir, de quelle personnalité aimeriez-vous pouvoir voler les rêves?
E.P. : Patti Smith, parce que je suis une grande fan d'elle et que son esprit me fascine
L.D. : Je passe mon tour!
K.W. : J'ai déjà eu un cauchemar hier soir, ça suffit!
J.G.L. : Chris Nolan
(rires)
C.N. : J'aurais aimé les rêves d'Orson Welles, je pense... J'en aurais sûrement tiré beaucoup d'idées de cinéma!
Inception , de Christopher Nolan, avec Leonardo DiCaprio, Ellen Page, Cillian Murphy, Marion Cottillard... 2h28